Allez savoir pourquoi, aucune de mes journées ne se passe comme prévue. Il y aura toujours un moment où je devrais faire face à l'insurmontable, une nouvelle épreuve à dépasser, qui devient en fin de compte une "bonne chose de faite" que l'on n'a pas envie de refaire de sitôt. Je ne suis jamais tranquille, et à force, je me dis qu'il m'arrive plein d'aventures fascinantes, allant de la prise d'un rendez-vous chez le dentiste (une bonne chose de faite) à l'oral de chinois (que l'on n'a pas envie de refaire de sitôt). Et en général, je me monte la tête pour éviter de passer pour un crétin, je fais attention à tout (surtout à mon cheveu sur la langue) et on me reconnaît alors à la plume que j'ai dans le derrière.
Il a été question ce matin d'une nouvelle étape franchie pour moi, d'une victoire voire d'une conquête, la conquête des toilettes du Cora, puisque j'ai été capable, tenez vous bien, d'aller chier au travail. En public. Avec les odeurs et les collègues, et ma dignité intacte.
Ca a pourtant été ma hantise durant tout le mois. Je m'en était fait une montagne. On sait tous très bien que, au travail, les toilettes ne sont pas là pour être utilisés, au contraire. En aucun cas nous ne sommes sensés les souiller de nos ploufs qui éclaboussent. Les toilettes ont été installés pour rassurer l'employé, pour qu'il se sente comme chez lui, avec un micro-ondes dans la salle de pause et de la moquette fantaisie dans les couloirs. Pour qu'il se dise aussi qu'en cas d'urgence tout de même, ils seraient à sa disposition. Mais même dans ces cas-là, je crois qu'on préfererait utiliser le micro-ondes. Les toilettes, pour être clair, on n'y entre que pour s'y laver les mains, et on le fait la porte ouverte pour que tout le monde le sache. Et le jour où des odeurs s'en échappent, ça jase jusqu'au lendemain. Il est donc clair que, même pour un mois, je ne voulais pas entrer dans la légende du supermarché. Je ne voulais pas être "le saisonnier qui a osé" pour le restant de ma vie. Je ne me pensais pas capable de surmonter l'épreuve, si je devais y faire face...
J'avais trouvé la parade, pour éviter l'imprévu foudroyant: j'arrêtais la salade, le raisin et les pruneaux (comme si je mangeais du pruneau), et tous ces aliments riches en fibres, qui te nettoient les intestins comme de l'Eparcyl. Je me sentais plus sûr de moi comme ça. En plus, ça fonctionnait: aucune envie particulière les premiers jours. Je me suis dit qu'alors, finalement, j'allais peut-être réussir à conclure le mois sans avoir à faire profiter tout le monde de mes "odeurs intimes". Et non: pourquoi ? Parce que travailler dans les frigos toute la matinée, ça rend malade, et changer de rythme du sommeil tous les trois jours, ça dérègle. Malgré tous mes efforts, il a donc bien fallu qu'un jour, le couperet tombe. Je tentais tout de même de me retenir, j'ai donc passé une demi-heure à faire la danse de la gastro, mais lorsqu'on sait qu'on doit encore tenir quatre heures avant de pouvoir rentrer chez soi, on se dit que l'on explosera avant d'y arriver. Je sentais la plume dans le derrière se pointer. Sentant qu'elle n'allait pas suffire à tout empêcher de sortir, je me suis fait une raison. J'ai fait face au redoutable problème, en toute discrétion, et selon quelques règles tout de même:
-m'eclipser discrètement.
-m'assurer que personne ne me voie entrer, et encore moins, sortir des petits coins.
-éviter tout contact direct avec la cuvette (pas facile).
-si quelqu'un entre, attendre qu'il ressorte, et encore cinq minutes après, avant de sortir.
Malgré que je m'en sois bien tiré pour cette fois, je ne prendrais pas le risque de recommencer. J'ai fait l'expérience, point barre. Mais avant tout, je dois apprendre à savoir garder certaines choses pour moi-même. Je parie que si quelqu'un avait été témoin de mon "moment de faiblesse" ce matin, je n'aurais pas ressenti le besoin de tout raconter sur mon blog. Une personne au courant, ça m'aurait suffit. Mais maintenant, tout le monde en profite. Bon appétit.