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Just in time

C'est fini, le lycée c'est fini, et c'est pas drôle au fond. Malgré tout, j'ai déjà planifié le lavage de cerveau des vacances. J'ai jeté mes cours à la poubelle, qui vont de toute manière revenir dans ma boîte aux lettres sous la forme de brochure Auchan en papier recyclé. Je peux finalement écouter Lovegame, et tout un tas d'autres chansons pour pouffes de l'été, à la place du résumé prépabac sur l'émergence du Tiers-Monde. Plus rien ne m'empêche de dépasser les six heures de sommeil, et je peux aussi passer autant de temps que je veux devant Secret Story. Tout ça sans plus un seul somnifère ni vitamine C. Il était temps que cette routine de bachelier arrive à terme, parce qu'une semaine de plus aurait suffit à m'achever. Je suis sorti de tout ça, courbaturé, les boutons en pagaille sur la figure, la trace rouge des lunettes sur le nez, les cheveux poêle à frire et le poignet tordu. Je récupère peu à peu, je reprends plaisir à n'écrire qu'avec un clavier d'ordinateur, ça évite l'encre sur les doigts, et tout, c'est mieux.
Cependant, en faisant une croix sur cette routine d'étudiant, je ne m'étais pas préparé à également en faire une sur les rumeurs, qui étaient partie prenante de ma vie de lycéen. Et voilà que tout me parvient en pleine figure, une semaine après le Bac: mon activité de prédilection se retrouve réduite à néant par le simple fait de ne plus être entouré de plein de gens de mon âge. On m'a enlevé mes conditions à jamais. C'était à moi, c'était ma sitcom, celle qui m'a fait tenir durant trois ans et à laquelle je dois décrocher soudainement. Je rends le tablier et passe le flambeau aux petits cons de la génération suivante, quelle horreur. J'imagine déjà les histoires pourries.
Le temps où je pouvais critiquer à profusion, cancaner à n'en plus pouvoir, est révolu, et je ne n'ai pas d'autre choix que de l'accepter, alors d'ici à la fin des vacances, tant que je continuerais à voir du monde, je ferai mon maximum pour profiter encore de ce qu'il me reste de ragots, je n'aurai plus de scrupules à savourer le moindre scoop et faire partager tout le monde. Je serai partout, à l'écoute, je serai méchant et cassant, et tout ce que j'aurai à raconter aura intérêt à être explosif. Il faut que ça frappe fort, je veux sentir ce plaisir une dernière fois. Je les prévois déjà bien ces vacances. Encore ces vacances, et puis c'est tout. Ensuite, je me retirerai avec dignité, je n'aurai plus d'avis sur rien, je deviendrai fade, je m'habillerai tout en beige avec des chaussures à gland affreuses et je dirait sans arrêt "sensass". Je deviendrai un adulte accompli, qui bosse et emmerde tout le monde avec ses cartes de voeux à Noël. Il ne s'agira plus que de moi et ma famille ordinaire. Tout ira très vite, je le sens. La menace plane et ça m'angoisse, alors quoi, je suis tout excusé pour le moment... Plus que deux mois à me supporter.