Archives

Il y a du pain et du fromage



Qu'est-ce qu'on devient tous, et LUI. Ca se voit, il oublie tout ce qu'il avait pu apprendre jusqu'ici, la mesure, la tempérance. L'humour, l'art du discours. On le voit rire à pleine gorge pour un rien, et il veut entraîner tout le monde avec alors on se force. On n'ose plus rien lui dire ou sinon il y passe la journée. Il commence à tous nous faire peur, il parle il parle il parle, si vous voyiez l'état dans lequel il se met lorsqu'il parle de lui. Par moments, il rit tellement qu'on voit sa glotte, et spontanément il se ramollit, prend une voix mouillée et un air abattu, ou alors il parle vite et se vexe si on le coupe. Il enchaine et ça donne n'importe quoi. Il est en boucle depuis plus d'un mois, ses concerts, ses vacances, sa mention, on voudrait lui dire ta gueule. Mais je crois qu'il se dit ça lui-même, parce qu'il faudrait voir des fois, la façon qu'il a de s'arrêter de parler net, on dirait qu'il réfléchit, et il ne continue pas. Ce n'est pas plus mal comme ça il cesse de nous faire chier avec ses histoires. On a droit a tout. "Avec ce temps j'ai les mains moites", "j'ai du pollen plein le pif pas toi", "j'ai plein de cavalières pour le bal". Je vous jure, je me demande ce qui lui passe par la tête, ce qu'il se dit quand il a ce genre de réflexions, si il pense à nous, et qu'est-ce qu'il en pense de parler autant ? en tout cas ça cogite là-haut.
Il dit qu'il ne boit plus, que ça lui fait bizarre. Mais moi je ne le crois pas, je sais que c'est pour se donner un genre qu'il met "vodka" partout où il peut. La vraie raison c'est qu'il ne sort pas, et ne compense pas ailleurs. Il n'a plus rien pour se changer les idées, du coup la balance penche fatalement du côté des révisions. Ce qui pèse le plus, c'est sa culpabilité qu'il traine partout. Qu'est-ce qu'il nous emmerde avec ça. Il se borne à ne plus sortir sous prétexte qu'il doit travailler, et pourtant on l'entend encore se lamenter de n'avoir rien entrepris. Et qu'est-ce qu'on y peut. On commence un peu à l'éviter, parce qu'à la longue ça nous fatigue de devoir supporter tout ça, et puis il dit sans arrêt qu'il perd son temps avec nous, qu'on l'ennui et qu'il devrait bosser. On l'écoute, et on l'ennui. Qu'il reste tout seul chez lui alors, merde, et qu'il ne compte plus sur nous.
C'est ce que je fais, je reste chez moi. Il n'y a jamais personne en plus, Zaza se fait la malle, et se décharge de faire la cuisine en me disant qu'il y a "du pain et du fromage". Un truc de prisonnier ça non ? Il fait beau, je me retrouve seul à mon bureau la fenêtre ouverte, les gosses du quartier braillent dans tous les sens, il fait chaud, j'ai les mains moites, je pensais que ce serait drôle de le dire, mais bon. Je ne veux plus sortir, je perds déjà du temps en travaillant. Je devrais m'attaquer à la philosophie. Dehors j'entends que ça crie. Je cherche les barreaux à ma fenêtre, en vain, pourtant j'ai ma tranche de pain au reblochon en main. Putain. Le mec qui se plaint tout le temps quoi. Ca faisait mon charme, avant.

Sournoise










 Les photos faciles de Jeanne.

Révisions



Qu'est-ce que je dois écouter en priorité, Bistouflex, Alcohol, Wayfarer ? Je vais quand même voir Bat For Lashes ? Je devrais commencer à réviser le chinois. Ce soir, quand je rentre, je ne m'écroule pas devant la télé, je travaille. Je télécharge deux ou trois trucs puis je me met au boulot. J'irai juste un peu sur Facebook. Ou alors je met les cours en audio sur mon iPhone, et puis j'imprimerai des anales de BAC, j'aurai bonne conscience et plus rien à faire. Finalement, peut-être que j'aurai le temps de regarder la télé. Ca pue le pet, putain, on va croire que c'est moi, c'est pas moi ! Je réagis comment, je fais celui qui a senti que ça schlingait et je dis quelque chose ? Je fais comme si je ne sentais pas ? J'ai l'air suspect dans tous les cas. Bon alors, je fronce juste les sourcils, pour montrer mon agacement, mais que j'ai assez de politesse pour ne rien dire. Pourquoi personne ne dit rien ? Personne n'a l'air suspect.
Personne n'a vu ma tête froncée, et maintenant l'odeur est passée, c'est bien la peine de réfléchir autant, tout le monde s'en fout. Ils écoutent le cours, moi j'ai décroché depuis un moment. A quoi d'autre je pourrais réfléchir ? Qu'est-ce que j'achète pour l'anniversaire de mon père ? La fête des mères, c'est bientôt ? Avec tous ces trucs de famille soudée, je deviens dingue.
Il faut que je m'occupe.
L'horloge digitale qui se reflète dans la vitre, ça va bien me distraire cinq minutes. Il est 81:01. Ahah. Et si j'additionne tous les chiffres, ça fait 10. Pourquoi on n'est jamais allé jusqu'à 81 heures ? Je refoule un bâillement. Le prof me regarde depuis avant, je dois faire bien. Je crois qu'il essaye de capter mon attention, il a du remarquer ma négligence, ou alors, c'est d'avoir froncé les sourcils avant, il pense que je ne comprends pas. Il insiste, si seulement je savais de quoi on parle. Je feins l'intérêt, je le fixe, arrête de me regarder, connard, je n'en peux plus de faire semblant. Mes yeux sont mous, et humides, j'ai envie de les frotter. Il est 25:01, quand est-ce qu'on peut s'en aller. Je ne tiens plus, je vais m'endormir, mes yeux rougissent, passent par tous les états. Si je les fermais un peu ? Juste le temps de me soulager, allez.
Quelque chose m'a réveillé, la sonnerie. Sûrement pas les autres, pourtant tout le monde m'a vu. Il est 00:11, et maintenant j'ai la bouche pâteuse du matin. Oh lala, toujours autre chose.

Electric lady



-Karine me transe.
-Tu veux en parler ?
-Sans blague. Non c'est bon.
Alors j'y vais. On est en train de m'appeler, il était temps. Je laisse quand même passer deux ou trois sonneries, pour ne pas trop montrer mon enthousiasme et garder une part de mystère. C'est dur de ne pas décrocher, étant donné qu'ils auraient du m'appeller il y a une heure de ça. Après tout ce temps ce n'était plus mystérieux du tout, j'avais plutôt l'impression qu'ils m'avaient oublié. Je me demande quand même ce qu'ils font.
Ils ont raccroché, j'ai du laisser passer trop de mystère, moi aussi.
-Je fais quoi, je rappelle ?

-Tu ne m'appelles jamais, moi.
-C'est pas vrai.
Si, c'est vrai. D'habitude c'est moi qui décroche, et qui écoute, qui coupe la parole et qui ai le droit de raccrocher, c'est moi qui suis dérangé. C'est moi qui peut laisser sonner. Je n'avais pas besoin que ça change, mais ce soir ils ne me rappellent pas. Et moi, ça fait six mois que je n'appelle plus personne. Ils font chier, je dois rappeler ? j'appelle. Apparemment, eux aussi ont décidé d'être branchés et de laisser passer quelques sonneries. Ca me donne envie de venir. Je languis, ça a l'air bien. J'ai cinq sonneries pour réfléchir à ce que je vais dire, puis l'on décroche. Je me dépêche de parler, parce que j'imagine mon argent, se faire grignotter par les secondes de communication. Les questions doivent être directes, les réponses concises, on n'a le temps de la courtoisie qu'avec l'illimité.
Huit secondes de conversation, et je raccroche à la manière des gentlemen. Sec. Pas besoin de leur dire au revoir, je les retrouve dans vingt minutes. Bon j'y vais, c'est l'heure de ma deuxième partie de soirée, est-ce que je dois arriver en retard ? La soirée a déjà bien commencé, je me dis qu'ils m'attendent tous (mais ça c'est pour mon égo). C'est surtout moi qui ait assez attendu, et puis j'ai envie de les voir. Pas de quart d'heure de politesse ce soir.
-Bon j'y vais.
-C'est ça, abandonne moi.
-Causette.
Je sors, je marche en rythme, on dirait que j'arrive après l'ambiance. Toute la ville se trouve en terrasse, en fait, tout le monde a profité de la nuit sans moi. Je ne m'en étais pas aperçu parce que mon immeuble est plein de vieilles, tout le temps chez elles, je ne vois jamais personne sortir, je n'entends jamais rien. Il se passe plein de choses, dehors, en fait. On sent qu'il va pleuvoir, alors je me dépêche pour marcher, mais pas trop, pour ne pas arriver en avance, pour ne pas trop montrer mon enthousiasme et garder une part de mystère. Je préfère encore arriver mouillé. Quelle corvée, la représentation en société.
J'arrive à l'heure raisonnable, je suis content de voir tout le monde, j'espère que ça se voit, je claque la bise à qui je peux, j'espère que ça s'entend. Je parle trop, j'ai vu un opéra, je connais cette chanson, t'as fait quoi cette semaine ? alors parce que moi j'ai fait...
Je n'ai plus de crédit mais on m'appelle quand même. Le temps est orageux, à cinq heures du matin, il pleut. Je dois ressortir mais j'ai jeté mon feu.

Bon anniversaire Jessica.